La pâtisserie est l’un des seuls produits que j’achète tous faits.
¿ Pourquoi ? ¡ Parce que !
Je te fais marcher. Il y a une vraie raison, bien entendu. Je suis sûr que tu as déjà une petite idée…
Je te donne un indice : c’est comme la charcuterie, la boulangerie, la poissonnerie…
¡ Et oui ! Tu l’as deviné : c’est un métier à part entière. Et, fort heureusement pour les métiers de bouche et pour le consommateur, il y a encore des gens qui le font bien. Je fais confiance à ma poissonnière pour vider les daurades par les ouïes pour que je les fasse en croûte de sel. Je laisse mon boucher désosser la pintade et ensuite je la farcis et je la fais rôtir. Mon boulanger fera TOUJOURS du meilleur pain que moi.
Je pars donc du principe que la tarte aux fraises de mon pâtissier aura de la fraîcheur et du goût.
Mais, j’aime bien me lancer des challenges. La fraise étant de saison, ce fruit s’impose.
Les premières fraises de Phalempin sont sur les étals. C’est pas encore des fruits de pleine terre, mais la qualité est quand même au rendez-vous. Et on peut difficilement imaginer circuit plus court.
Ensuite, je dois reconnaître que j’adore ça. Ne me demande pas de choisir entre les fruits rouges… Je n’y arriverai pas. Je les adore presque autant les uns que les autres. Je me gave de cerises, je vais cueillir des mûres, je vénère la framboise… Mais la FRAISE est le premier qu’on trouve sur les marchés. J’ai donc une tendresse particulière pour cette petite chose rouge et parfumée qui annonce l’inexorable enchaînement des délicieux fruits de l’été. Je vous tiendrai probablement le même discours avec l’abricot au milieu de la belle saison et la figue à la fin. [D’ailleurs, en temps voulu, fais moi penser à te parler de la tarte miel, ricotta, abricots et la « Tatin » de figues.]
Hormis les fruits, cette tarte se compose de trois préparations :
- La pâte sucrée. Maison, ça va de soi. Il n’y a rien de plus simple à faire. C’est la garantie d’avoir un appareil pur beurre, des œufs de la ferme et de l’épicerie de qualité.
- La crème pâtissière. Maison, aussi. Le résultat est incomparable. Même constat que pour la pâte au niveau de la crèmerie et des matières sèches.
- Un « glaçage » (c’est pas tout à fait le cas, mais je ne vois pas de mot plus approprié, on pourrait appeler ça un « laquage »). Facultatif. Tu peux le faire maison, ou pas. La différence n’est pas très significative, surtout si tu fais un effort sur l’approvisionnement.
La pâte sucrée :
Je dois te faire un aveu… Je fais PRESQUE toujours mes fonds de tarte moi-même. Je dis PRESQUE car j’ai essayé une fois de faire de la pâte feuilletée… Je pense que je n’étais pas prêt. Sur le papier, ça a l’air simple, mais en fait, c’est particulièrement fastidieux. Ce n’est pas la longueur de la préparation qui me décourage, mais le résultat qui n’est vraiment pas à la hauteur. Le goût est là, mais le feuilleté laisse franchement à désirer. Je n’achète pas de la pâte industrielle pour autant. Il était de tradition, fut un temps, d’acheter de la pâte crue chez le boulanger. C’est un peu tombé en désuétude, car les gens perdent de plus en plus l’habitude de faire les choses eux-mêmes. Mais, si tu es un bon client, si tu es poli avec ton boulanger, si, comme moi, tu es choqué quand un autre client lui demande s’il sera ouvert le 1 mai au matin…, il acceptera peut-être de te vendre de la pâte feuilletée confectionnée par un spécialiste. Sinon, tu as le droit de l’acheter dans la grande distribution. Plus précisément, dans une chaîne de magasins qui vend des surgelés et dont le nom est le gentilé d’une région vouée à disparaître sous l’effet de la réforme territoriale… Leurs produits offrent une alternative acceptable au « fait maison » ou « au frais ».
Pour les autres pâtes, ton serviteur y met la main justement, à la pâte. Brisé, sablées, pizza, pain… Il n’y a rien d’insurmontable avec un bon mixeur et/ou de l’huile de coude.
En pâtisserie, je suis, depuis longtemps, les conseils de Mercotte pour les bases. Il n’y a pas à dire, elle sait de quoi elle parle. Je l’ai trouvée un brin crispante la seule fois où je l’ai vue dans un food-crochet, mais si je ne suis pas toujours d’accord avec elle sur la forme, je suis sur le fond. En y réfléchissant, c’est le principe de « food crochet » que je trouve crispant : j’ai du mal avec l’idée de compétition dans la cuisine. La recette d’Hermé a ma préférence, car elle est rapide, simple et légère. J’aime bien le fait qu’il y ait un peu de poudre d’amande, ce qui rajoute un petit « plus » à la tarte.
Je te laisse suivre les indications, mais je mets quand même mon grain de sel sur les ingrédients.
- Le beurre. Il va cuire. Je te l’ai dit et je te le répète : n’utilise pas un beurre non pasteurisé pour ça. Avec la chaleur du four, tu vas faire disparaître une bonne partie de ses qualités gustatives. Un beurre de ferme doux et pasteurisé fera l’affaire.
- Les œufs. Ou plutôt, l’œuf. N’aies pas peur d’acheter des œufs de bonne qualité. Des catégories 0 ou 1 EXCLUSIVEMENT. Ils sont un peu plus chers, mais tu sais ce que les poules ont mangé et tu sais aussi qu’elles ne s’entassent pas dans des cages. Ils sont souvent plus gros et ont parfois un double jaune. Pour les gâteux, c’est le top. Ne vas surtout pas t’imaginer qu’ils se conservent moins longtemps. La nature est bien faite : c’est prévu pour offrir un environnement sain à un poussin en pleine gestation, pendant 28 jours, à température ambiante, qu’elle que soit le mode d’élevage. Je ne conserve pas les œufs au frigo. Ça ne sert à rien. Ça prend de la place inutilement. ¡ SAUF SAUF SAUF ! Quand l’œuf est cru (pour les mousses et entremets type « tiramisù ») Dans ce cas-là, j’achète les œufs le jour même et je les transforme dans les 24 heures. Ici, sachant que l’œuf va cuire, il est inutile d’en acheter qui ont été pondu le matin même.
- La farine. Une T55 fait parfaitement l’affaire. Pour confectionner des pâtes, on choisirait une mouture moins fine, mais pour la pâtisserie, c’est parfait.
- Prends une poudre d’amande de qualité. Celle qu’on trouve dans la grande distribution est standardisée au possible. Elle est d’une couleur uniforme pas très appétissante. Achète-la sur le marché ou en épicerie fine. Ou mieux ! Fais-la toi-même. Pas la peine de les monder. Je trouve que la « peau » ajoute de la saveur, mais tout le monde n’est pas « fan » de ce petit goût amer. Il suffit de torréfier les amandes au four à 150° pendant 10-15 minutes et de les passer au blender. Avant ça, si vraiment tu y tiens, tu peux les monder en les passant quelques minutes à l’eau bouillante et en les « roulant » dans un linge propre, mais moi, je ne le fais pas. En plus, ça se garde très bien ! Dans une boite à l’abris de l’air et de la lumière.
- Le sucre glace. Pas besoin de le tamiser, il sert justement à ça : ne pas faire de grumeaux.
Quelques conseils :
- N’hésite pas à peser le beurre la veille et à le laisser à température ambiante toute la nuit. Il est pasteurisé, il ne craint rien.
- « Crémer » le beurre signifie le remuer énergiquement à l’aide d’un fouet de manière à obtenir une texture proche de la pommade. La finesse du sucre glace permet un amalgame parfait.
- Mon œuf était un peu gros (63g…). J’ai du rajouter quelques cuillères à soupe de farine.
- N’hésite pas à mettre la pâte au froid avant de l’étaler entre deux feuilles de papier alimentaire. Elle sera plus facile à travailler, car moins friable.
- Il faut travailler la pâte le moins possible et ne pas trop incorporer de farine, pour ne pas la rendre trop élastique.
- J’utilise un moule à manquer avec le bord amovible, qui autorise un démoulage parfait (du moins, la plupart du temps), sans avoir à beurrer le moule. J’aime bien l’aspect très géométrique que ça donne à la tarte. Je n’ai jamais compris pourquoi TOUS les bords de moules à tarte ont des cannelures… Ça fragilise la pâte, ça n’a aucun intérêt gustatif, ni esthétique, selon moi. Je préfère avoir plusieurs moules à manquer de tailles différentes et garder de la place pour d’autres ustensiles.
- Il est important de froncer le moule et de laisser l’abaisse au frais au moins deux heures avant d’enfourner. Voir de la stocker un petit quart d’heure au grand froid. Le choc thermique va « figer » la pâte et elle se rétractera moins. Le résultat sera plus homogène et ta tarte aura des beaux bords bien réguliers.
- J’ai toujours dans mon placard une boite en fer rempli de haricots secs qui me servent à faire cuire les fonds de tarte à blanc. Ils ne me servent qu’à ça et sont réutilisables à l’infini. On te vend des billes de céramique dans les magasins spécialisés… Ne cède surtout pas à la tentation : le conditionnement est insuffisant, il t’en faudra deux boites, sans compter que c’est beaucoup plus cher que les haricots et, comme c’est assez lourd, ça laisse des petits « creux » sur le fond de tarte. Il suffit d’intercaler une feuille de papier cuisson entre les haricots et la pâte. Je les retire avant la fin de la cuisson pour « sécher » le fond de tarte. Je crois que tu devrais m’imiter…
- Je fais cuire à 200° 10 mn à chaleur statique. Puis 5 mn à 180° sans les haricots.
La crème pâtissière
Certains sont plutôt adeptes de la Chantilly, mais pas moi. Je trouve que ça se garde mal et que ça détrempe la pâte. Si tu ne fais pas toi-même ta crème, inutile de faire une tarte aux fraises. Il SEMBLERAIT qu’on en trouve de la toute prête dans le commerce ou qu’on puisse acheter de la poudre à mélanger à du lait… Tu sais déjà ce que j’en pense. Texture, goût et prix ne seront pas au rendez-vous. On te la parfume avec de la vanille de synthèse. On te l’épaissit avec des trucs pas nets. On te l’assaisonne aux additifs conservateurs. Alors que c’est si simple ! Le seul secret, c’est de rester à proximité.
Les ingrédients :
- 50 cl de lait frais et entier. Tu ne manges pas de pâtisserie très souvent (du moins, tu ne devrais pas) alors autant se lâcher sur les ingrédients riches.
- 4 jaunes d’œuf. Le conseil est le même que pour la pâte.
- 80 g de sucre de canne blond ou roux. On peut trouver des recettes où on met 125g de sucre, mais il s’agit de sucre blanc raffiné de betterave. Le sucre de canne non raffiné possède, à mon avis, un pouvoir sucrant plus élevé et permet de réduire la quantité de glucides simples.
- 40g de farine de maïs. Elle ne possède aucun goût, se mélange aux liquides sans difficulté et va épaissir la crème.
- La vanille. En gousse, sinon rien. Si la gousse est de bonne qualité, elle présente au contact un aspect gras, presque huileux, souple et brillant. Ainsi qu’un parfum incomparable. Ne sois pas radin(e) ! Je la trouve à 0,90€ pièce dans l’épicerie dont je t’ai déjà parlé. Un rapport qualité-prix inratable. Une heure après les courses, mes doigts sentent encore la vanille… Et puis, je sais pas toi, mais moi ça me fait suer de payer à chaque fois le tube de verre que la grande distrib nous impose et qui ne sert plus à rien après. Il te faut une vraie, une belle gousse entière que tu fends en deux. Tu grattes ensuite les graines avec la lame d’un couteau. Tu es autorisé(e) à te lécher les doigts. Tu vas sentir les petites graines de vanille « croustiller » sous la dent et tu vas comprendre pourquoi tu n’as pas le droit d’utiliser du sucre vanillé, de la poudre ou de l’extrait.
La préparation :
- Tu commences par faire chauffer le lait avec la vanille fendue et grattée. Tu devrais obtenir l’équivalent d’une cuillère à café de « caviar » de vanille que tu plonges dans le lait, avec la gousse fendue (qu’on retirera au dernier moment).
- Pendant ce temps là, tu pèses les autres ingrédients, mais tu surveilles le lait. Tu sais que ça déborde facilement…
- Il faut arrêter le feu juste avant l’ébullition et laisser infuser pendant que tu t’occupes du reste.
- Tu vas fouetter les jaunes d’œuf et le sucre jusqu’à ce que l’ensemble soit léger et homogène (comprendre : les cristaux de sucre sont fondus). Puis tu ajoutes la farine de maïs. Le mélange devrait se faire très facilement.
- Tu verses ensuite une petite quantité de lait encore chaud. La différence de texture va rendre le mélange un peu difficile, c’est pour ça qu’on ne verse pas le liquide en une seule fois, mais progressivement, pour empêcher les projections.
- Une fois que ta crème est bien amalgamée, tu remets dans la casserole à feu moyen-fort.
- Tu ne vas pas cesser de remuer au fouet jusqu’à ce que la crème épaississe. Ça prendra peu de temps, ça va te demander un peu d’énergie et une attention constante. Mais, c’est la seule difficulté.
- Il faut éviter de faire bouillir, sinon ça va attacher et faire des grumeaux.
- Tu peux baisser le feu, voir débarrasser la casserole pour peaufiner ta crème.
- Une fois que tu es satisfait(e), tu verses dans un bol froid.
- Il ne faut pas laisser la crème comme ça à l’air libre, sinon elle va « crouter » : une petite « peau » désagréable va se former à la surface. Pour empêcher ça, il y a deux écoles : le film plastique et le beurre. Je préfère la seconde : tu déposes une petite noix de beurre doux à la surface de la crème encore chaude. Ça va former une petite pellicule imperméable. Avant de dresser, il suffira de fouetter le mélange pour retrouver la texture de la crème tout juste prête. Le beurre apportera un peu de « gourmandise » à ta crème.
J’en profite pour dire qu’il ne faut jamais utiliser de film plastique (ni d’aluminium) au contact des aliments gras. Les lipides ont tendance à absorber les aditifs chimiques. L’idéal reste donc les contenant inertes comme le verre, ou la céramique, que tu peux rendre hermétique avec le film étirable. MAIS PAS EN CONTACT DIRECT AVEC LES ALIMENTS !
Le montage.
- Tu ne démoules pas le fond de tarte. Tu le feras juste avant le service.
- Tu étales une couche de crème.
- Tu laves tes fraises ET SEULEMENT ENSUITE TU LES ÉQUEUTES. Dans cet ordre ! Pas un autre. Sinon, tes fruits vont se gorger de flotte.
- Tu commences par l’extérieur. Sur le bord, tu disposes des demi-fraises. Ça permet d’avoir du fruit partout : les fraises entière font des « trous » sur le bord, pas très jolis et pas très intéressants d’un point de vue gustatif.
- Puis tu recouvres la crème de fruits entiers, en spirale, jusqu’au centre. La texture de la pâtissière va très bien pour que les fraises tiennent debout. Ici, j’ai réussi à en mettre environ 700g.
Le « glaçage » ou « laquage ». Tu vas recouvrir ta tarte d’un léger « voile » de gelée qui lui donnera un aspect brillant et permettra une conservation plus longue. Si tu es vraiment un stakhanoviste, tu peux le faire toi-même : du jus de fruit, éventuellement, un peu de sucre (ou pas) et une substance gélifiante suffisent. Tu suis les instructions sur le paquet. Pour ma part, je suis un adepte de l’agar-agar, d’autant plus que j’ai de plus en plus de convives qui ne veulent pas consommer de gélatine d’origine animale. C’est, de plus, plus facile à doser, si tant est que tu disposes d’une balance précise type pharmacie ou labo de chimie.
Sinon, une gelée de fruit fait très bien l’affaire. Framboise, mûre, groseille… Tout dépend de tes envies et de ton frigo. Celle que j’ai utilisée ici vient de chez « Patrick et Marie », mes légumiers. Marie fait des confitures et gelées maison avec les fruits de leur grand jardin. Testées et approuvées par le « Chef », qui en mange de temps en temps sur du pain, contrairement à moi (je trouve la confiote trop sucrée). Tu la fais tiédir quelques minutes dans une casserole et tu vas l’appliquer avec parcimonie au pinceau qui va bien.
Ne le fais pas si tes fraises sont très sucrées et/ou si tu sais déjà que la totalité de la tarte va finir dans l’estomac des convives.
Pour ma part, j’ai bon espoir d’en « sauver » une part pour un goûter demain après-midi et il s’agit des premières fraises de pays. Elles sont parfumées, mais elles n’ont pas encore vu beaucoup de soleil. En pleine saison, je fais ma laque moi-même et avec peu de glucides. Un jus de pomme sans sucre ou un sirop très léger font merveille !